Une histoire de géographie
Bien que tous effervescents, ces 4 produits représentent 4 Appellations d’origine protégée (AOP) différentes et donc 4 méthodes de production distinctes, avec des régions, des cépages, des techniques et donc des coûts de production différents.
Une AOP désigne un produit dont toutes les étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique, qui donne ses caractéristiques au produit. C’est un signe européen qui protège le nom du produit dans toute l’Union européenne.
Ainsi, on ne peut produire du Champagne qu’en région Champagne, du Prosecco que dans le nord-est de l’Italie, de la Blanquette, que dans l’aire d’appellation Limoux. Le crémant, quant à lui, va pouvoir provenir de 9 régions différentes avec des terroirs et des cahiers des charges bien distincts à chaque fois: Alsace, Bourgogne, Bordeaux, Luxembourg, Jura, Die, Savoie, Loire et Limoux bien évidemment!
La géographie … et la méthode!
A Limoux, nous utilisons pour la blanquette et le crémant une méthode dite “traditionnelle” partagée entre autres avec le Champagne: une première fermentation a lieu en cuve pour transformer le jus de raisin sucré (appelé aussi moût) en vin. Le sucre y devient alcool grâce au travail des levures et au savoir-faire du vigneron. Puis une seconde fermentation a lieu en bouteille, ce qui confère à nos effervescents une finesse de bulles remarquable.
Ainsi, pour le Prosecco, l’effervescence (la prise de mousse), a lieu, non pas en bouteille, mais … directement en cuve! Ce qui donne des caractéristiques très différentes aux vins et simplifie le travail du vigneron transalpin avec l’absence de dégorgement, l’étape qui nous permet de sublimer notre effervescent et d'apposer notre signature. A contrario, cela nécessite un savoir-faire spécifique et des cuves plus résistantes afin de supporter les pressions exercées par le CO2.
La Blanquette, le Crémant de Limoux, le Champagne ou le Prosecco ont donc des cahiers des charges très différents. Tels des recettes, ces cahiers des charges donnent un cadre de culture et de production afin de garantir des vins homogènes et de qualité aux consommateurs. Selon l’une ou l’autre des AOP, on va alors pouvoir ajouter davantage de sucre ou de sulfites, devoir laisser reposer et stocker le vin ($) plusieurs mois, voire plusieurs années mais aussi par exemple, pouvoir vendanger à la machine en Italie là où nous sélectionnons manuellement à la parcelle les meilleures grappes pour confectionner nos effervescents.
La géographie, la méthode et … les ingrédients!
Chacune des appellations utilise en effet des cépages différents, qui sont à chaque fois le plus adaptés à chacun des terroirs. A Limoux, notre terroir frais nous permet de sublimer des cépages tels que le Mauzac, le Chardonnay, le Pinot Noir ou le Chenin. Et c’est dans l’assemblage de ces cépages qu’est la principale différence entre la blanquette et le crémant de Limoux.
La Blanquette de Limoux est composée à minima de 90% de Mauzac quand les Crémants de Limoux sont eux un assemblage de 3 cépages minimum parmi lesquels : Chardonnay, Chenin, Pinot Noir et Mauzac. Ainsi la blanquette va exprimer des arômes fruités de pomme verte propres à notre cépage local qu’est le Mauzac. Le crémant va lui être porté par la fraîcheur du Chardonnay ou du Chenin principalement.
Mais quel a été le premier vin effervescent?
La culture de la vigne existe depuis plusieurs milliers d’années à travers le monde. Cependant, les traces de cette culture sont bien évidemment plus récentes. La première mention du vin de Limoux se trouve dans les écrits de l'historien romain Tite-Live, rédigés au premier siècle de notre ère. Pour les vins effervescents, il faut attendre 1544! C’est sur un parchemin que les moines bénédictins de l’abbaye de Saint-Hilaire (à quelques kilomètres de Limoux) consignent le principe d’une fermentation en bouteille: ils observent qu’au printemps, certaines bouteilles sont effervescentes. L’époque n’étant pas à la filtration des vins, des levures recommençaient tout simplement leur travail de transformation du sucre résiduel en vin dans les flacons et non en amphore. L’effervescence provenaient alors du dégagement de CO2 pendant cette reprise de fermentation.
C’est donc à Limoux, il y a quasiment 5 siècles que l’effervescence des vins a pu être observée pour la première fois. Cette découverte a alors été perfectionnée et développée, se transmettant au fil du temps pour finalement apparaître dans la région Champagne une centaine d'années plus tard.
Et alors, Blanquette, Crémant, Champagne ou Prosecco, c'est lequel le meilleur?
Et bien tous! Comparer ces appellations entre elles revient à comparer des produits complètement différents. Les lieux de production, les méthodes de culture et de vinification ainsi que les ingrédients sont différents! De plus, au sein même des appellations se trouvent des vignerons avec des signatures et des créations propres à chacun. On va alors pouvoir trouver dans chacune de ces 4 appellations (et hors appellation!) des produits d’excellentes qualités avec des histoires, des femmes et des hommes qui invitent au voyage et à la gourmandise.
Et c’est sûrement cela le plus intéressant, voir autant d'opportunités de découvrir des saveurs, des terroirs et des vignerons qu'il y a de vins.